Bien que la vision de l’orientation sexuelle ait bien évoluée depuis quelques années dans notre société, le fait de s’identifier comme une femme de la diversité sexuelle reste un enjeu pour plusieurs femmes. Qu’en est-il lorsqu’il est question de dévoilement en contexte d’agression à caractère sexuel? De façon plus générale, les personnes de la communauté LGBTQI+ sont trois fois plus à risque de vivre de la violence sexuelle que leurs homologues hétérosexuels.
Les difficultés éprouvées par les femmes lesbiennes, bisexuelles et queers sont non-négligeables. Il est important de prendre en considération leur réalité trop souvent passée sous silence. La lesbophobie et la biphobie dont ces femmes peuvent être victimes les rendent plus à risque de subir de la violence, peu importe sa forme (physique, psychologique, sexuelle, etc.).
Au niveau social, la présence de ces femmes est parfois surreprésentée, particulièrement dans la pornographie. Elles sont dépossédées de leur sexualité qui est soumise aux fantasmes des consommateurs, principalement des hommes. Les femmes bisexuelles seront particulièrement victimes de préjugés qui sont très bien représentés dans la pornographie. Dans d’autres contextes, elles se voient complètement invisibilisées, que ce soit dans les divers affichages des organismes mettant rarement en scène des couples de même sexe, par exemple, ou dans les livres, les séries télé, et j’en passe.
Une panoplie de difficultés sont évoquées par les femmes s’identifiant ou se questionnant sur leur orientation sexuelle lorsqu’elles ont vécu une ou plusieurs agressions à caractère sexuel. Que cela soit en lien avec certains préjugés véhiculés qui seront expliqués dans cet article, ou encore des services d’aide inadéquats et peu compatissants à la réalité de ces femmes, ces dernières se butent à plusieurs difficultés pouvant être fortement défavorables à leur démarche de guérison.
Lorsqu’il est question de préjugés, l’un des plus répandus est que si une femme se définit comme lesbienne, bisexuelle ou queer, c’est automatiquement puisqu’elle a vécu une agression à caractère sexuel. Cela peut être très lourd pour celles visées par ce message. Elles se voient déposséder de quelque chose de très personnel qui leur appartient. Leur sexualité n’est plus quelque chose d’intime, mais une conséquence de l’agression subit. Comme pour l’agression à caractère sexuel, ces femmes se voient, via ce préjugé, privées de contrôle et de pouvoir décisionnel sur leur propre vie. Cela peut créer un sentiment de revictimisation.
L’idée préconçue que l’agresseur est automatiquement un homme peut constituer une barrière dans le processus de dévoilement et de guérison chez certaines femmes de la diversité sexuelle. Bien que les statistiques montrent un nombre plus important d’agresseurs de sexe masculin, des femmes aussi perpétuent des agressions. Le fait qu’il y ait plus d’agresseurs masculins s’explique par le fait qu’il existe un lien de pouvoir entre les hommes et les femmes. Ce système, le patriarcat, implique que les femmes sont considérées comme des subalternes de l’homme au lieu d’être considérées comme égales. Lorsque l’agression est perpétrée par une autre femme, la survivante peut voir son vécu être remis en question. Est-ce vraiment une agression s’il n’y a pas eu de pénétration, s’il n’y a pas eu de violence physique? Oui. Une agression à caractère sexuel peut être bien d’autres choses qu’un viol. Plusieurs moyens peuvent être déployés hormis la violence physique par l’agresseur ou l’agresseure (ex. : le chantage émotif, les menaces, etc.). De surcroît, afin de garder de l’emprise sur leurs victimes, certain(e)s agresseur(e)s vont menacer de révéler l’orientation sexuelle de leur victime.
De plus, lorsque l’agresseure est une femme, les divers intervenant(e)s sociaux, les policiers, etc. ont tendance à diminuer l’implication de l’agresseure et à banaliser le vécu de la victime. Cela est particulièrement présent dans les cas d’agression à caractère sexuel en contexte conjugal. Dans ce contexte, les deux femmes sont souvent perçues comme des victimes. L’agression perpétrée est parfois justifiée par le fait que l’agresseure a déjà vécu de la violence sexuelle.
Du côté des corps policiers, ces derniers ne savent pas comment agir dans les cas de violence sexuelle entre deux femmes particulièrement dans un cadre conjugal. En plus de souvent considérer les deux femmes comme des victimes, les plaintes croisées rendent difficile la responsabilisation de l’agresseure et par le fait même, la validation des événements violents que vient de vivre la femme survivante.
Lors du dévoilement ou en contexte de suivi avec un(e) intervenant(e), les préjugés peuvent teinter de façon défavorable les rencontres. Bien que certaines qualités comme l’écoute active et l’empathie favorisent généralement le bon climat des rencontres, cela n’est pas garant d’un processus sans faille. Le dévoilement de l’orientation sexuelle en contexte d’un suivi avec un(e) intervenant(e) à la suite d’une agression à caractère sexuel ne devrait pas être au centre du suivi. Cela est à la discrétion de la femme recourant aux services. Elle a le droit de choisir ou non de dévoiler son orientation sexuelle. Elle a droit à un service qui n’est pas soumis aux jugements et aux croyances erronées possibles de la part de l’intervenant(e) dans son processus personnel de guérison. Les femmes se retrouvent donc face à un dilemme de double dévoilement. D’une part, elles doivent dévoiler la ou les agression(s) à caractère sexuel qu’elles ont subies. D’autre part, elles se retrouvent par le fait même à parfois devoir dévoiler contre leur gré leur orientation sexuelle.
Les principaux constats de l’étude de Dorais sont que, d’une part, les ressources spécialisées en violence sexuelle ne sont pas adaptées aux femmes lesbiennes, bisexuelles et queers. Certain(e)s intervenant(e)s font des interventions teintées de lesbophobie et de bi-phobie. Les victimes se retrouvent donc à devoir éduquer les intervenant(e)s sur l’orientation et la diversité sexuelles. Cela peut être d’autant plus difficile et confrontant dans le contexte du dévoilement d’une agression à caractère sexuel. D’autre part, afin de ne pas être exposées aux préjugés potentiels des intervenant(e)s, ces femmes se tournent vers des organismes LGBT pour obtenir de l’aide. Par contre, ces ressources manquent de formation en violence sexuelle. Finalement, l’accessibilité aux services d’aide, quels qu’ils soient, est difficile pour les femmes de la diversité sexuelle.
C’est dans ce contexte qu’il y aura donc la présentation de mon programme Femmes de la diversité sexuelle; une multitude de réalités qui sera offert aux femmes s’identifiant (ou se questionnant) sur leur appartenance à la communauté lesbienne, bisexuelle ou queer le 24 mars et 31 mars prochains de 18h30 à 21h30 dans les bureaux du CALACS Châteauguay. Dans le cadre de mon stage en sexologie, j’ai la chance d’organiser deux soirées dont le but est de permettre aux femmes de partager leurs diverses réalités à l’aide de plusieurs thématiques qui seront abordées, le tout dans le plus grand respect de leurs expériences et leur intégrité.
Pour s’inscrire aux rencontres, vous pouvez nous rejoindre au (450) 699-8258 poste 0 ou par courriel, info@calacs-chateauguay.ca avant mercredi le 18 mars.
Pénélope Aubé, stagiaire en sexologie