La peur souvent utile, l’anxiété toujours inutile
Vous arrive-t-il souvent de vous dire…?
- Ça ne se peut pas !
- Ça n’a pas de bon sens !
- C’est épouvantable !
- C’est terrible !
- Quelle catastrophe !
- C’est effrayant !
- Il faut à tout prix que ça change !
- Je ne peux plus endurer ça !
- C’est insupportable !
- Il ne faut pas que ça arrive !
- S’il fallait que j’échoue !
- Il faut à tout prix que je réussisse !
- J’ai absolument besoin de cela pour être bien !
Si vous répondez « OUI » à quelque idée précédente et que vous en constatez la présence tenace, il y a de bonnes chances pour que le couple peur – anxiété vous colle au corps et au cœur, comme c’est le cas pour la majorité des êtres humains.
La peur : une émotion utile ou nuisible selon le cas
Nous avons déjà expliqué que l’être humain est un être de désirs. Nous sommes constamment menacés de tous bords tous côtés par des » dangers éventuels » venant contrecarrer la satisfaction de nos désirs. Que ces dangers soient réels ou imaginaires, la peur qu’ils soulèvent est, elle, bien réelle. La peur est donc une émotion très présente dans nos vies puisqu’elle est reliée à l’idée qu’un danger nous menace.
La peur devant un danger réel est une émotion utile et bienfaisante qui peut nous amener à sauver notre vie. Un éducateur en centre d’accueil de détention peut avoir peur d’un jeune délinquant qui a à ses actifs vingt vols à main armée. Sa peur est alors légitime et l’amène à être très prudent face à ce jeune. Un enseignant peut avoir peur qu’un élève ne se blesse en le voyant grimper à l’échelle du gymnase, ce qui l’amènera à inciter l’élève à la prudence ou à lui ordonner de descendre. Dans les deux cas la peur est réelle et utile puisqu’elle provoque des réactions appropriées. Cependant, il est des situations où la peur envahit notre vie et nous paralyse. Si l’éducateur ne contrôle pas sa peur, il n’osera même plus adresser la parole au jeune délinquant et si l’enseignant est figé par la peur, il laissera peut-être l’élève se blesser sans intervenir à temps.
Pour savoir si notre réaction de peur provoque en nous la réaction adéquate, une stratégie très utile est de nous demander immédiatement ce qui pourrait arriver comme pire conséquence, d’en prendre conscience et ensuite de se demander ce qu’il y a de mieux à faire.
Il se peut qu’en entrevoyant de façon froide la ou les conséquences possibles de la situation que nous les trouvions bien moins terribles que nous ne le pensions et que nous choisissions de prendre le risque qu’elles arrivent.
Là où la peur devient anxiété
La peur et l’anxiété sont deux émotions très apparentées. La personne qui a peur perçoit un danger qui la menace, elle évalue le danger de façon réaliste. La personne qui est anxieuse est également une personne qui a peur avec la différence qu’elle évalue la conséquence comme terrible et inévitable.
L’anxiété est une peur amplifiée et paralyse la personne qui en est victime. L’anxiété devant un danger réel ou non est une émotion qui, en plus d’être pénible, est toujours inutile et toujours nuisible. Céder à l’anxiété, cela équivaut à toujours peser sur le bouton panique à chaque fois qu’un danger nous menace. Amplifier les conséquences négatives d’un geste ou d’une situation ne nous aide jamais à nous comporter de façon adéquate. L’anxiété est mauvaise conseillère car une trop forte émotion empêche notre cerveau de bien fonctionner et de rechercher la meilleure solution. Avez-vous déjà remarqué que devant une situation d’urgence, certaines personnes choisissent de contrôler leur peur et de rester calmes alors que d’autres s’énervent, cèdent immédiatement à la panique, courent dans tous les sens de façon inefficace ? Laquelle de ces deux personnes êtes-vous la plupart du temps ? L’intervenant auprès des jeunes risque particulièrement de tomber dans le piège de l’anxiété parce que d’être en contact avec cette population augmente son niveau de nervosité, les jeunes réagissant souvent de façon imprévisible.
L’intervenant qui a à cœur son travail peut craindre de ne pas pouvoir aider adéquatement le jeune à contourner ses difficultés mais il ne l’aidera sûrement pas en entretenant des idées comme » Ça serait terrible s’il ne se sort pas de ses difficultés, il gâchera sa vie, les parents m’en voudront, ce sera la preuve que je ne suis pas un bon enseignant ou un bon éducateur « . Dramatiser ainsi la situation peut bloquer l’intervenant dans sa recherche de nouvelles approches. La panique fera qu’il exercera plus de pression sur le jeune, provoquant ainsi l’anxiété chez ce dernier, l’empêchant alors de donner son plein rendement.
Devant l’éventualité que le jeune ne surmonte pas ses difficultés, l’intervenant serait beaucoup mieux d’utiliser son énergie à trouver de nouvelles approches d’intervention et de convaincre le jeune de l’importance de sa réussite en lui faisant voir calmement les conséquences possibles de son échec.
Si on le veut, tout peut donner l’occasion de se créer de la peur ou de l’anxiété. Ce peut être à propos d’éléments physiques tels un orage, une tempête, la maladie, la mort, etc. Nous pouvons choisir de nous énerver à propos de tout et de rien, nous sommes libres de le faire, après tout c’est une façon comme une autre de tromper l’ennui. Mais n’y a-t-il pas de meilleures façons de se désennuyer ?
Chez les enseignants et les éducateurs, deux éléments psychologiques engendrent souvent la peur et l’anxiété, soit la peur de l’échec et la peur de la désapprobation. Percevoir ces deux éléments comme des dangers terribles et à éviter à tout prix, apporte un stress excessif au travail. Risquer d’échouer et d’être désapprouvé fait partie de la vie des gens actifs. Si on refuse de prendre des risques, alors on ne bouge pas, on ne fait rien, on ne prend aucune décision. Est-ce plus intéressant de vivre de cette façon ?
Le « besoin » de réussir ou la peur de l’échec
Notre société valorise beaucoup la recherche de la perception. Cette recherche est positive puisqu’elle nous pousse à nous améliorer à chaque instant. Le désir de réussir motive les intervenants à toujours rechercher de nouvelles approches auprès des enfants et c’est positif. Cependant, si ce désir se transforme en exigence, cela peut créer une pression inutile.
Entretenir des idées semblables à » je dois réussir avec tous mes jeunes tout le temps » transforme un désir en exigence et crée chez l’intervenant de l’anxiété. Si chaque enseignant ou éducateur souhaite réussir avec tous ses jeunes tout le temps et qu’il veut assez pour rechercher toujours de nouvelles solutions, il y a des chances qu’il soit plus efficace que son collègue qui se pose cela en exigence absolue. Si vous exigez réussir à tout coup, il y a de fortes possibilités que vous n’entrepreniez presque rien, de peur d’échouer. Même si vous réussissez, vous serez porté à vous tracasser car vous ne serez pas assuré de la réussite pour la prochaine fois.
Plusieurs phrases intérieures entretiennent chez les intervenants des exigences trop élevées face à eux-mêmes, exigences qui engendrent un sentiment d’échec. Voyez si quelques-unes de ces idées font partie de votre langage intérieur :
- « Mon jugement doit toujours être juste ».
- « Je dois aider mes élèves davantage que je ne le fais ».
- « Je suis responsable de l’échec de mes jeunes ».
- « Je dois réussir même avec un jeune qui a un retard sérieux ».
- « Je ne peux pas me permettre d’échouer car il y va de l’avenir de cet enfant ».
- « Comme intervenant, je dois être capable de contrôler toutes les situations et de garder mon sang-froid ».
Entretenir de telles exigences ne vous aide qu’à vous mettre des pressions inutiles et à vous dévaloriser quand vous constatez un échec. Il vous serait beaucoup plus utile d’être plus indulgent à votre égard et de transformer ces phrases en souhaits. Devenir plus indulgent envers soi-même et accorder davantage d’attention à nos succès qu’à nos échecs est une attitude à favoriser.
Le « besoin » d’être aimé ou la peur de la désapprobation
Être aimé par son entourage est une situation forte agréable et recherchée par la plupart des individus. Si cette situation est agréable, elle n’est cependant pas essentielle à notre survie. Nous faisons beaucoup de choses pour être aimés des autres et parfois, cela nous coûte très cher en énergie et en compromis. Encore une fois, i l y a une grande différence entre avoir » besoin » d’être aimé et souhaiter être aimé. Entretenir l’idée » j’ai besoin d’être aimé et approuvé de tous pour bien fonctionner » nous place dans une situation très vulnérable. Avoir un tel besoin signifierait que nous n’oserions jamais rien dire ou faire qui déplaise à qui que ce soit et cela est impossible. Cette idée peut nous mener à tout faire en fonction de ce désir que nous avons érigé en besoin essentiel.
Se préoccuper outre mesure de l’opinion des autres nous amène à déployer beaucoup d’énergie pour plaire à tout le monde, ce qui se soldera inévitablement par un échec. Une autre occasion de nous dévaloriser ! Nous ne pouvons mener une vie adulte et équilibrée si toutes nos actions sont conditionnées par ce que les autres pensent de nous.
De ce désir d’être approuvé transformé en » besoin » découlent certaines phrases intérieures fortes nuisibles :
- « Je dois aimer tout le monde ».
- « Je dois être gentil avec mes élèves parce que j’ai besoin qu’ils m’aiment ».
- « Je ne dois pas donner mon opinion quand elle est en contradiction avec celle des autres car ils me désapprouveraient ».
- « Je ne dois jamais laisser voir à mon groupe que je ne sais pas la réponse ».
Quand on liste ce genre de phrases, on peut être porté à trouver ça un peu ridicule et « gros » comme exemple. Mais est-ce si ridicule que ça ? Êtes-vous bien certain que ce genre de petites phrases ne vous harcèlent pas secrètement parfois ?
Les conséquences d’un tel » besoin » d’être aimé et approuvé par les autres sont très nombreuses et surtout très pénibles. En plus de rarement faire ce qu’on veut, quand on le fait on n’en jouit pas véritablement parce qu’on n’a pas l’approbation des autres. De plus, à rechercher ainsi la considération des autres et à se plier aux désirs et exigences de chacun, on risque de ne pas être très respecté par les autres. Ils peuvent bien nous aimer oui, mais ne nous exploitent-ils pas un peu ? Nous respectent-ils vraiment ? Sont-ils prêts à nous rendre la pareille ? En général, l’individu qui se plie à la volonté de tout le monde n’est pas très respecté, est exploité et ne respecte pas lui-même parce qu’il ne sait pas dire » non « .
Devant la peur d’être désapprouvé, il existe une façon de penser qui devrait aider tout le monde à envisager les choses sous un autre angle : Considérez le fait qu’avec le nombre de personnes différentes qu’il y a sur terre, il y a de fortes chances pour que, quoique vous fassiez et quoique vous disiez, il y ait au moins 50 % des gens qui soient en désaccord avec vous. Alors ? Changeriez-vous d’idée 50 % du temps ? Et vous, êtes-vous nécessairement d’accord avec ce que tout le monde dit ? Les détestez-vous pour autant ? Cela empoisonne-t-il votre existence de ne pas être en accord avec eux ? Les trouvez-vous ridicules de penser différemment de vous ?
Quand on regarde les choses sous cet angle, on se rend compte que de ne pas recevoir l’approbation de tout le monde est normal et fréquent et que c’est plutôt le contraire qui est exceptionnel.
Accepter l’idée que nous risquons la moitié du temps de ne pas être approuvé par les autres nous aide à diminuer nos attentes. Souhaiter être approuvé plutôt que de l’exiger nous rend beaucoup moins dépendant des autres.
Quoi dire en cas d’échec
Puisque la peur de l’échec est fort répandue, voici quelques idées qui pourraient vous aider à surmonter cette peur et à minimiser l’impact d’un échec :
- « Je suis un être humain et je ne suis pas parfait ».
- « Si j’ai échoué cette fois, la prochaine fois je ferai mieux ».
- « Je vais analyser pourquoi j’ai échoué cette fois pour ne pas refaire la même erreur ».
- « Les gens qui réussissent sont ceux qui échouent également le plus, c’est la loi de la moyenne ».
- « Qu’on me présente un individu qui n’a jamais connu l’échec ».
Quoi se dire en cas de désapprobation
- « On ne peut pas faire plaisir à tout le monde en même temps ».
- « Je préfère être désapprouvé et faire à mon idée parce que je crois que c’est la bonne ».
- « Quand les autres me critiquent, j’essaie de voir là des points que je pourrais utiliser pour m’améliorer ».