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Depuis 2016, les médias parlent de plus en plus de la situation difficile des femmes autochtones à travers le Canada. C’est d’ailleurs en septembre de cette année-là qu’a été entamée l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA). Pourquoi une telle enquête? Parce que ces femmes et ces filles disparaissent depuis des années, partout à travers le Canada, sans que personne d’autre que les communautés elles-mêmes ne se questionnent vraiment sur le phénomène.

En 2006, les femmes et les filles autochtones représentaient environ 4% de la population du Canada. Avec ses recherches, l’ENFFADA a permis de dévoiler que, depuis les années 1980, environ 1181 femmes et filles autochtones canadiennes sont disparues ou ont été assassinées; ainsi, 25% de tous les meurtres au pays sont commis envers des femmes et des filles autochtones. On rapporte qu’elles sont cinq fois plus susceptibles de mourir d’une mort violente que les femmes non-autochtones. L’Association des Femmes Autochtone du Canada (AFAC) établit qu’environ80% des femmes autochtones seront victimes de violence au moins une fois dans leur vie. Cette violence peut se produire autant à l’intérieur des communautés qu’à l’extérieur; ainsi, beaucoup de ces femmes et filles vivent dans la crainte constante d’être les victimes d’un crime ou d’un acte violent. Il n’est donc pas étonnant que, pour beaucoup de femmes et de filles autochtones, des conséquences psychologiques négatives découlent de ces statistiques. Parmi ces conséquences possibles, on rapporte entre autres une baisse de l’estime de soi, une perception négative de leur culture et de leur rôle social en tant que femmes, une intériorisation des agressions vécues, une peur du jugement, une réticence à se confier, un sentiment de méfiance (notamment envers les figures d’autorité qui n’appartiennent pas à leur communauté), ou encore la présence de plusieurs tabous entourant la violence en communauté.

Pour tenter de mieux comprendre les raisons qui font que les femmes et les filles autochtones vivent ces situations de grande détresse, il faut s’attarder aux traitements discriminatoires qui ont été infligés aux communautés autochtones. Depuis l’époque de la colonisation de l’Amérique, les peuples autochtones sont les victimes de traitements inacceptables et empreints de violence. Par exemple, en 1880, le Canada a instauré les « pensionnats autochtones », ces écoles religieuses dans lesquelles on envoyait des enfants autochtones pour les convertir à la religion chrétienne. Les enfants qui ont été forcés de les fréquenter ont été arrachés à leur famille ainsi qu’à leur communauté, et punis pour parler leur langue maternelle. Plus tard, beaucoup de survivant.e.s ont rapporté y avoir vécu de la violence à la fois physique, psychologique et sexuelle. Aujourd’hui, beaucoup en portent encore en eux les cicatrices. De nombreuses recherches démontrent que les taux plus élevés d’alcoolisme, de toxicomanie et de suicide chez les Autochtones seraient l’héritage des traumatismes créés par les pensionnats ainsi que par les nombreux autres traitements violents infligés aux peuples autochtones. Le racisme est donc un facteur qui contribue grandement à rendre vulnérable les femmes et les filles, qui sont doublement discriminées en raison de leur genre ainsi que de leur appartenance culturelle.

Cependant, s’il y a violence, alors il y a résistance. Depuis de nombreuses années, les femmes autochtones travaillent d’arrache-pied pour qu’une enquête Nationale lève le voile sur les causes réelles de toute cette violence. Cet objectif a été atteint, mais elles n’arrêteront pas pour autant de se battre pour obtenir justice. Des associations telles que Sisters In Spirit (Les Sœurs par l’Esprit), l’Association des Femmes Autochtones du Canada (AFAC) et Femmes Autochtones du Québec (FAQ) militent ardemment pour faire valoir le droit et le bien-être culturel, personnel et économique des femmes, des filles et des personnes bispirituelles à travers le Canada. Elles, qui sont les seules à véritablement comprendre les multiples manières dont la société vulnérabilise leur identité de genre ainsi que leur identité culturelle, et qui sont à la source même d’un très long processus de réconciliation qui, espérons-le, continuera de fleurir avec le temps.

En ce qui concerne l’ ENFFADA, le rapport final (en deux volumes) est paru au courant de l’année 2019. Il est possible de le consulté via le site https://www.mmiwg-ffada.ca/fr/final-report/.

Pénélope, stagiaire en sexologie