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Le 6 février dernier était la journée contre les mutilations génitales féminines.  Cette journée internationale de tolérance zéro aux MGF (mutilations génitales féminines) visait à favoriser la sensibilisation, la mobilisation et l’implication des intervenantEs, des professionnels de la santé, mais aussi de toutes les femmes.

Les mutilations sexuelles féminines, qui incluent toute intervention telle que l’altération, complète ou partielle, ou lésion des organes génitaux féminins, pour des raisons non médicales, sont le reflet d’une inégalité flagrante et enracinée entre les sexes.  Elles constituent une forme extrême de discrimination à l’égard des femmes et des jeunes filles. Les MGF portent atteinte à leur sécurité et à leur intégrité physique et psychologique. L’excision est donc un problème de santé publique. Entre 100 à 130 millions de filles et de femmes dans le monde en ont été victimes (OMS et UNICEF 2010).  On recense près de 6000 femmes chaque jour et plus de 2,2 à 3 millions de femmes excisées par an dans le monde (planescope.com 10 -01-2013).

Heureusement, depuis 2013, le réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrantes et racisées du Québec (RAFIQ), se penche sur les violences basées sur l’honneur. Leur mission première vise à offrir un espace sécuritaire aux femmes victimes de l’excision; les amener à faire une prise de conscience et leur permettre de servir de ressources informelles, par le partage de leur expérience, pour d’autres femmes dans leurs communautés.

« Encore aujourd’hui, dans mon pays d’origine il y a beaucoup de pression sociale et culturelle. (…) c’est un sujet tabou, on ne parle pas de ça, il n’y a pas de discussion avec tes parents, pas d’éducation et après l’excision personne ne vient te demander comment tu te sens. (…) Si tu es une femme non excisée, tu es considérée comme une femme qui n’a aucune bonne manière, qui n’a pas d’égard pour personne (…) tu n’as pas de considération sociale» (RAFIQ, 2016).

 Bien qu’elles soient internationalement considérées comme une violation des droits des femmes et des jeunes filles, ces pratiques font encore malheureusement objet de préoccupation au Québec.  Selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au moins 5% des victimes des MGF, soit plus de 6,5 millions de femmes, vivent en Occident. En raison de l’immigration récente de populations en provenance de l’Afrique on trouve au Québec de plus en plus de femmes ayant subi ces mutilations. Et même si ce sujet demeure tabou, et ce, aussi bien au sein des communautés touchées que dans la société dans son ensemble, des excisions se pratiquent au Québec (Barreau de Québec, 2004).  En effet, Selon le conseil du statut de la femme du Québec (2013), des témoignages indiquent que des fillettes issues de l’immigration sont excisées ici ou lors de visites dans leur pays d’origine. Aussi, le RAFIQ (2016) rapporte que certains médecins affirment avoir reçu des demandes pour effectuer l’excision ou qui nomment être parfois obligés de gérer des dégâts y afférents.

Cette pratique ancestrale, l’excision, vise selon les croyances plusieurs sphères de la vie des femmes telles que des raisons d’ordres physiologiques : préservation de la virginité, contrôle de la sexualité de la femme; hygiénique : propreté intime, pureté spirituelle; initiatiques ou éducatives : rite d’initiation à la vie conjugale, familiale et sociale. Sociale: l’apprentissage de la vie en société, respect de la hiérarchie sociale, acceptation du groupe pour éviter la stigmatisation.  Culturelles : tradition ancrée, coutumes, héritage des ancêtres qu’il faut préserver. Religieuses : croyances religieuses.

 Il y a 4 types d’excision :

  • Ablation du capuchon clitoridien
  • Ablation du capuchon, d’une partie du clitoris et des petites lèvres
  • Ablation du clitoris, des petites et des grandes lèvres avec suture finale ne laissant qu’un petit trou pour les urines et le sang menstruel. C’est l’infibulation
  • Toute autre forme de mutilation du clitoris (percement…)

Des 29 pays qui pratiquaient l’excision, plusieurs ont passé des lois contre l’excision, la rendant illégale. Par ailleurs, il reste encore 5 pays qui ne l’ont pas encore fait.

Une pétition pour l’abolition de l’excision est en ligne. SVP prenez deux minutes pour la signer en appui à nos sœurs de cœur.

secure.avaaz.org/fr/petition/tout_le_monde_informer_ sensibiliser_et_sauver_les_filles_et_femmes_contre_lexcision/?miSRgkb

 Pour des informations complémentaires, consultez le site du RAFIQ https://rafiq-membres.blogspot.ca/2012/04/immigration-et-incompetence.html et la lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes – février 2015  https://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/Lettre_ONVF_-_no5_-_fev_2015_-_Mutilations_sexuelles_feminines.pdf

 

Témoignage

L’excision des petites filles en Guinée :

 J’avais 5 ans quand ça s’est passé.

Ma mère a fait venir une femme de son village. Elle s’appelait « Nenan Gollo », elle était grosse, de teint noir.

Quand elle est arrivée, on était contente, on est venue l’accueillir. Tous les enfants sont sortis en courant et criaient « Nenan Gollo » est venue, on ne s’avait pas ce qui nous attendait.

Avant de passer à table, elle nous regardait avec un air moqueur « demain encore, on verra si vous allez rigoler ». On a bien dormi cette nuit-là, on ne comprenait rien.

Le lendemain matin, très tôt à l’aube on nous a réveillés – on était nombreuses, mes cousines, mes petites sœurs et les voisines, nous avions toutes dormi sur des nattes.

C’est ma mère qui m’a réveillée. On nous a douchés, on nous a attaché des pagnes au-dessus de la poitrine, on a enroulé un petit foulard sur notre tête. On nous a installé dans le salon les unes après les autres comme dans une file.

J’étais la deuxième, derrière ma petite sœur, mais quand on l’a appelé, elle a fui, du coup, j’ai été la première.

Derrière la maison, ils avaient créé un espace fermé avec des nattes.

Je me suis avancée, je pleurais, j’avais peur, ma mère me disait « je sais que tu vas y arriver, tu es courageuse, ça fait pas mal ».

Dès que je suis entrée, elles ont enlevé le pagne. Elles m’ont demandé de monter sur la table, il y avait 4 femmes, je ne me souviens pas d’elles.

Je me suis allongée sur la table, j’étais terrifiée. Les 4 femmes m’ont tenue : 2 pour les mains et 2 pour les pieds. Ma mère était avec Nénan Gollo.

J’ai entendu ma mère dire « enlevez tout ». Je pleurais, je criais très fort en me débattant.

Et là, elle a coupé, mais pas une fois. Dans mon  souvenir ce geste a duré un peu, mais elle a tout enlevé. On m’a portée et déposée sur une natte dans la chambre et on m’a dit «  Arrête de pleurer ». Mes sœurs dansaient autour de moi pour fêter ce malheur qui est l’excision, moi ça m’énervait parce que j’avais mal.

Lorsqu’elle a terminé d’exciser toutes les petites filles, elles ont apporté à manger, des brochettes de foie et de la soupe de poulet. On était allongé, on ne faisait que pleurer parce qu’on avait mal.

Personne n’arrivait à manger.

J’avais envie de faire pipi, mais j’avais très peur. Vers 18h00, on m’a aidée à me relever pour m’emmener aux toilettes. Dans la cour la douleur était telle que je me suis arrêtée et j’ai fait pipi debout. Je criais, je pleurais tellement c’était douloureux.

Après petit à petit, je me suis remise. Moi j’ai guéri vite par rapport aux autres, les autres ont vraiment souffert.

Je me rappelle, 1 mois après, elles ont organisé une grande fête, on a eu beaucoup de cadeaux, on chantait on dansait. Après la fête les autres fillettes sont rentrées chez elles.

Dans ma vie l’excision est un épisode assez court, mais avec lequel je vis tous les jours je ne peux pas l’oublier, je la vis dans mon corps.

Par la suite il m’est arrivé de croiser Nénan Gollo mais je ne l’ai pas salué, cette femme je la hais. Ma mère je ne lui ai jamais pardonné dans mon cœur.

Aujourd’hui je vous ai raconté mon histoire, mais cette histoire est celle de toutes les femmes guinéennes pas seulement la mienne.

En Guinée les femmes sont soumises, battues, elles sont victimes de violences sexuelles et conjugales. On vit l’excision quand on est petite puis le mariage forcé.

Les femmes sont pauvres analphabètes.

Quand on donne une fille en mariage elle devient dépendante de son mari. Elle est donc obligée de se soumettre, car elle est dépendante de lui et ne peut être autonome financièrement.

Les femmes souffrent et leur souffrance est banalisée en Guinée, elle ne choque personne.

Si je parle aujourd’hui c’est parce que je mène un combat pour moi, pour mes enfants et pour les femmes. Je lutte pour qu’elles prennent conscience qu’elles sont des personnes, qu’elles méritent le respect.

 

Annick Boucher, stagiaire en travail social