Non, je ne t’en veux pas, enfin plus maintenant
Car tu n’y pouvais rien, du moins je le suppose.
Chacun fait son chemin à sa façon, tenant
Pour vérité sa foi, les règles qu’elle impose.
Tu as poussé ta roche avec obstination
Pour atteindre le but qui t’avait transportée
D’illusions, puis soustraite à la condamnation,
Tu as omis ta croix, c’est moi qui l’ai portée.
Très jeune j’ai appris ta notion du devoir,
Donner le bon exemple à mes trois sœurs cadettes
Sans rien revendiquer, stupéfaite de voir
L’énormité du prix pour acquitter tes dettes.
Car tu avais peiné notre Dieu Tout Puissant
Que tu suppliais pour éviter la sentence,
T’efforçant à m’aimer d’un amour impuissant,
Tu portais ton péché, je faisais pénitence.
Si je me retournais vers toi, mon seul recours,
Quand père me battait lorsque j’étais punie,
Tu sommais silence à mes appels au secours
Car mieux valait paraître une famille unie.
C’est dans mon lit d’enfant qu’ensuite il implorait
Mon pardon absolu. Ô sacrilège intime…
Intacte à l’intérieur, mon âme déplorait
Ce poids beaucoup trop lourd, ce sacrifice ultime.
Je t’ai ouvert mon cœur au bord du désespoir,
Naïve que j’étais quand aujourd’hui je songe
À toi que je revois, oui toi, mon seul espoir,
Voilant ma vérité sous ton pieux mensonge.
Non je ne t’en veux pas, mais je n’éprouve plus
Envers toi que la plus profonde indifférence
Notre histoire d’amour se résume, sans plus,
Au chimérique oubli sans autre interférence.
Manon Huot