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D’un pas sûr, je l’entendais franchir le corridor.
Je me recroquevillais comme un petit castor
Dans mes couvertures multicolores.
Je n’avais que trois ans, papa s’amusait avec mon corps.

Son regard mesquin m’annonçait l’instant de frayeur,
Mon corps angoissait et j’avais très peur.
Quand la lueur arrivait, je savais que c’était l’heure.
Je me préparais à ne pas sentir ses ardeurs.

Il baladait ses mains sur mon petit jardin.
Ses gros doigts, je les sentais malsains.
Papa ! Tu me fais beaucoup de chagrin.
Ne suis-je pas ton petit poussin ?

Plusieurs nuits, ma chair gémissait dans mon nid douillet.
Elle savait que quelque chose arriverait d’un être si près.
Heureusement, mon âme s’enfuyait
Pour résister aux caresses qui me bouleversaient.

Je n’avais d’autres choix que de subir.
Très souvent, j’avais envie de vomir,
Car mon géniteur venait de jouir.
À cet instant, je voulais mourir.

Son liquide séminal éclaboussait mon petit visage
Et s’imprégnait jusque dans mes fosses nasales.
Je reconnaissais cette odeur très désagréable.
Je me sentais comme un oiseau en cage.

Est-ce que quelqu’un pouvait m’aider ?
Ma petite bouche n’arrivait pas à hurler,
Seules mes mains demeuraient croisées
Afin de pouvoir me protéger.

Étais-je si mauvaise pour éviter qu’il m’ensorcelle ?
Ou trop gentille ! Ou trop belle !
Tant de questions pour une si petite demoiselle
Dont les yeux ne pouvaient plus voir le ciel.

Pourrais-je vivre ma vie
Dans un monde autre que celui-ci ?
Où mon corps a été sali
Par un être maudit.

Je n’avais aucun moyen d’arrêter ces émois
Qui me plongeaient continuellement dans un monde sournois
Où trop d’années, je n’étais qu’une proie.
C’est sans doute pour ça que ce secret est resté longtemps au fond de moi.

Ma vie n’était plus que confusion.
Je consommais toutes sortes de stupéfiants
Et je me consumais dans ce monde en errant,
Ne vivant plus que dans l’illusion.

À l’intérieur de moi, tout était pénible.
Découragée, j’étais très sensible
Et je n’avais envie que de faire le vide.
Jour après jour, je songeais au suicide.

Je nourrissais de plus en plus mes souffrances
Tout en sachant que je me faisais violence.
Je devais définitivement garder contact avec ma conscience,
Elle seule me guiderait vers l’abstinence.

Je ne pouvais plus cultiver toutes ces blessures.
Je me devais de faire confiance à un être pour qu’il me rassure,
Pour enfin briser mon armure
Et sortir une fois pour toutes de ce monde obscur.

Jour après jour, semaine après semaine, pendant vingt ans
Je rencontrais le monde de la thérapie en me disant
Qu’enfin, j’étais avec des êtres très aimants,
Avec qui je parviendrais à me libérer au bon moment.

Sortie de cette vie d’horreur, je commençais à vivre mon existence.
Je remerciais tous ceux et celles qui m’avaient fait confiance.
Enfin, je pouvais vivre sainement et avec l’élégance
D’une femme qui aimerait, un jour, être heureuse intervenante.

Sylvie